Alors que l’on célèbre la Journée mondiale du refus de
la misère, ATD Quart Monde présente un rapport original, élaboré avec des
personnes concernées par l’exclusion, proposant une nouvelle définition de la pauvreté,
qui comporte huit dimensions.
Le rapport
final, présenté le 17 octobre, parvient à une définition plus concrète et
plus intime de la pauvreté, qui dépasse de loin la seule notion de restrictions
matérielles. « On sait que le manque d’argent est central dans la
représentation que l’on a de la pauvreté, car c’est souvent un fait générateur,
explique Pascale Novelli, statisticienne au Secours catholique et
chercheuse. Mais avec ce travail, on s’est aperçu que, dans la vie des gens,
la pauvreté comporte beaucoup d’autres dimensions, ce qui explique que si on
agit sur une seule on n’arrive pas à agir vraiment sur les facteurs
d’exclusion. »
« Pour moi, tout s’est enchaîné »
« Pour moi
par exemple, tout s’est enchaîné », explique Évelyne Dubois, co-chercheuse en situation
de pauvreté : « On a vécu une expulsion de notre logement. Avec mon mari,
mes quatre enfants et deux petits-enfants, on a vécu à la rue trois ans un
mois et 24 jours. On s’est débrouillé en faisant de la récup. Mais on a dû
aussi se battre pour ne pas que l’assistante sociale nous enfonce encore plus
en plaçant une de nos gamines. On s’en est sortis, mais tout ça a déclenché mon
diabète. »
Le rapport
dégage ainsi huit « dimensions », qu’il faut comprendre comme des
marqueurs que l’on retrouve dans la majorité des situations de pauvreté, et qui
interagissent entre elles, de manière systémique. Et définit deux « expériences
constantes et transversales » : la « dépendance » aux autres et le « combat »
pour résister à sa situation.
Ainsi, les « privations
matérielles et de droit », qui comprennent 200 caractéristiques dont le
manque d’argent, de nourriture, de vêtements, de travail, de logement, ou le
déficit d’accès aux loisirs ou à l’éducation, tiennent une place centrale dans
la pauvreté car elle a des répercussions sur toutes les autres.
Ces
privations peuvent entraîner une « dégradation de la santé physique ou
mentale » (obésité ou maigreur, problèmes de dents, dépression…). De même,
la notion de « maltraitance sociale » est très souvent citée par les
personnes concernées, qui se sentent invisibles ou au contraire accusées de ne
pas vouloir travailler et de profiter de l’aide sociale. La « maltraitance
institutionnelle » se manifeste, elle, par des difficultés dans l’accès aux
droits, des tracas administratifs ou encore des exigences des institutions,
souvent vécues comme des aliénations.
L’ensemble
de ces dimensions ont une incidence sur l’« isolement », subi ou
recherché, mais fréquent, et sur les « peurs et souffrances », définies
comme des émotions (frustrations, colère, honte, dépréciation de soi…)
ressenties par les personnes exclues. Elles peuvent aussi induire des « contraintes
d’espace » (vie dans la rue ou hébergement chez un tiers, promiscuité,
difficulté de mobilité, enfermement dans un quartier…) ou de « temps »,
avec une vie au jour le jour qui peut empêcher de se projeter dans l’avenir. À
l’inverse, la situation de pauvreté aboutit souvent, dimension positive, à
développer des « compétences acquises » en cherchant des solutions
(détermination, persévérance, débrouillardise, capacité à rebondir,
résilience…), souvent non reconnues.
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